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Le Monde de NEOMA

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Les participants aux concours de crowdsourcing construisent des solutions pour les entreprises tout en sachant que leur travail a de grandes chances de ne jamais être récompensé. En conséquence, la qualité des solutions proposées est faible, au grand dam des bénéficiaires. Pour y remédier, une étude impliquant Mehdi Bagherzadeh, chercheur à NEOMA, démontre l’intérêt d’offrir aux participants le choix de leur récompense.

Permettre aux besoins des uns de rencontrer les idées des autres, c’est l’objectif du crowdsourcing. Aux États-Unis, 60 % des entreprises y ont recours afin de résoudre des problématiques diverses, ce qui fait de cette approche le mécanisme d’innovation ouverte le plus populaire outre-Atlantique. D’un côté, des sociétés en quête d’innovation souhaitent garder une longueur d’avance sur leurs concurrents. Elles lancent pour cela des appels à contribution ouverts auprès d’une grande diversité de personnes via une plateforme dédiée ou leur propre site web. De l’autre côté, des contributeurs potentiels se tiennent prêts à répondre à ces sollicitations, moyennant une contrepartie en cas de succès de la solution proposée.

Dans un concours de crowdsourcing, il s’agit donc, pour un acteur souvent économique, de bénéficier du travail, de la créativité ou encore des connaissances de la foule pour ne retenir que le meilleur. Cependant, dans cette philosophie du « winner takes all », un seul gagnant remporte le grand prix à l’issue d’un concours. Participer revient donc à donner de son temps et à fournir un travail sans aucune garantie en retour. Face à tant d’incertitudes, les solutions proposées sont souvent de faible qualité. Les entreprises s’interrogent alors : comment personnaliser les récompenses pour motiver une foule dont elles ne connaissent rien et obtenir de meilleurs résultats ? Et si la réponse était de laisser aux participants le choix de leur récompense ? L’étude menée par le chercheur de NEOMA et ses collaborateurs s’est penchée sur ce point.

Des candidats plus motivés que jamais

Une des raisons qui expliquent les résultats mitigés récoltés par le crowdsourcing est l’inadéquation entre les récompenses offertes et ce qui stimule réellement les participants. Pour comprendre, il faut revenir aux fondements même de la motivation. Dans les années 1970, les psychologues américains Edward Decy et Richard Ryan ont mis en avant l’existence de deux types de motivations. La motivation « intrinsèque » consiste à faire quelque chose pour le plaisir, alors que la motivation « extrinsèque » est associée à la recherche d’une contrepartie financière ou d’une reconnaissance. Or, la plupart des concours n’attisent généralement que des motivations extrinsèques, en indemnisant le lauréat avec de l’argent.

Conscients qu’il n’est pas possible d’offrir une récompense sur mesure à chacun, les chercheurs ont néanmoins testé une alternative plus inclusive, avec un système flexible de choix du gain ciblant les deux types de motivations. Une expérimentation a ainsi été réalisée lors d’un concours réel. Certains participants ont pu opter pour une incitation plutôt qu’une autre, par exemple une récompense entièrement monétaire ou bien une fraction de cette même somme associée à un certificat, des opportunités d’emploi et une invitation à rejoindre le jury lors de futures campagnes lancées par l’entreprise. Les autres contributeurs n’ont quant à eux pas eu le choix de leur récompense.

Résultat : ceux qui ont pu sélectionner leur incitation favorite ont passé en moyenne 300% de temps en plus que les autres à développer leur solution ! En choisissant la nature de leur gain, les participants seraient donc prêts à fournir plus d’efforts et in fine, à produire des solutions de meilleure qualité.

Un sentiment d’autonomie bénéfique

Comment l’opportunité de choisir impacte-t-elle vraiment la qualité du travail des uns et des autres ? En fait, laisser le choix aux contributeurs potentiels permet de booster un des trois besoins psychologiques fondamentaux à la base de notre motivation : l’autonomie (d’après la théorie de l’autodétermination mise au point par les psychologues américains Edward Decy et Richard Ryan dans les années 1980). En choisissant dès le départ une récompense qui les intéresse, les contributeurs regagnent un sentiment de contrôle sur leurs propres objectifs. Les personnes autonomes se sentent aussi davantage responsables de la qualité de leur travail.

Selon l’étude des chercheurs, laisser le choix de la récompense aux participants ne devrait donc pas être un dilemme cornélien pour les entreprises. Jusqu’à présent, ces dernières ont eu tendance à jouer sur le montant d’incitations monétaires pour rendre leurs concours plus attractifs. Cette méthode peut fonctionner avec des personnes motivées par une rémunération. Il est néanmoins recommandé de systématiser des modèles flexibles lorsqu’un concours attend des réponses de qualité. Cette approche stimule différentes sources de motivation chez les contributeurs potentiels, impactant positivement la valeur des solutions proposées.

En savoir plus

Ehsan Noorzad Moghaddam, Alireza Aliahmadi, Mehdi Bagherzadeh, Stefan Markovic, Milena Micevski, Fatemeh Saghafi, Let me choose what I want: The influence of incentive choice flexibility on the quality of crowdsourcing solutions to innovation problems, Technovation, Volume 120, 2023, https://doi.org/10.1016/j.technovation.2022.102679