Avis en ligne : les effets inattendus de la présentation
Publié le 5/07/2023
Avis en ligne : les effets inattendus de la présentation
Publié le 5/07/2023
Non, l’impact d’un avis en ligne ne résulte pas uniquement de sa note ou de la teneur du commentaire ! L’ordre d’apparition du texte et des photos influence également la perception des internautes et la décision d’achat qui en découle. C’est ce que montre un article publié par trois co-auteurs, dont Jing Li de NEOMA : confrontés au même avis sur un restaurant japonais, les 162 participants d’une étude ont réagi très différemment selon l’agencement des éléments rédactionnels et visuels.
L’influence des avis en ligne n’est plus à démontrer : ils sont souvent considérés par les consommateurs comme davantage dignes de confiance que la publicité. Cette montée en puissance a suscité beaucoup de travaux de recherche : impact de la note sur les ventes, rôle de la qualité des photos sur la décision d’achat, analyse sémantique des textes…
En revanche, personne ne s’était encore penché sur le mode de présentation du texte et des photos. Souvent, les rédacteurs d’avis sont libres : ils peuvent commencer par l’un ou par les autres, alterner paragraphes et visuels, les organiser en deux blocs, être concis ou bavards, proposer une ou plusieurs photos… Ce constat a inspiré aux auteurs de l’article une hypothèse inédite : à contenu identique, un avis suscitera des réactions différentes selon sa mise en page.
Ils ont choisi un avis long sur un restaurant japonais (quarante lignes en trois paragraphes, dix photos) et l’ont décliné en quatre versions :
Puis ils ont soumis aléatoirement l’une ou l’autre des versions à 162 internautes américains, inscrits sur la plateforme participative Amazon Mechanical Truk. Après lecture, ceux-ci donnaient leur opinion sur le restaurant et indiquaient si l’avis leur avait été utile, et avait provoqué chez eux des sentiments positifs (joie, satisfaction, etc.) ou négatifs.
Les résultats sont sans ambiguïté. Ainsi, les versions qui commencent par du texte (1 et 3) suscitent des opinions plus favorables sur le restaurant et sur l’utilité même de l’avis que celles qui commencent par une photo (2 et 4).
Autre enseignement : les versions organisées en deux blocs (3 et 4), génèrent des opinions plus favorables sur l’utilité de l’avis que celles qui alternent texte et photos (1 et 2). À l’inverse, ces dernières suscitent davantage de sentiments positifs que les versions en deux blocs, ceci qu’elles démarrent par du texte ou par des photos.
Que retenir de ces résultats ? D’abord, que des choix de présentation souvent laissés à l’appréciation des rédacteurs d’avis ont une influence certaine sur la réaction des internautes et in fine, sur leur décision d’achat.
Les auteurs de l’article estiment que l’opinion sur un produit ou un service sera plus favorable si l’avis commence par du texte. À l’inverse, proposer des photos en premier induit un risque de confusion et de distraction, d’où un état d’esprit moins propice à l’achat.
Par ailleurs, les entreprises dont l’activité dépend fortement des avis en ligne – plateformes de notation en particulier – auraient donc intérêt à prendre la main sur les options de mise en page, pour imposer le mode de présentation des avis le plus vendeur.
Les auteurs suggèrent par ailleurs aux sites de e-commerce de s’inspirer des conclusions de l’étude pour présenter leurs pages produits. Les articles destinés aux loisirs (jeux vidéo par exemple) gagneraient à être décrits avec une alternance de texte et de photos, afin de faire émerger un sentiment de plaisir. Pour les produits à vocation utilitaire (outils, équipement ménager…), mieux vaut organiser textes et photos en deux blocs distincts : cette disposition s’adresse davantage à l’intellect et permet de mieux comprendre l’offre.
Au-delà de ces conseils basés sur leurs découvertes, l’intérêt de l’étude tient aussi aux mécanismes cognitifs qui expliquent les effets variés de ces mises en page. De nombreux travaux ont établi la supériorité de la communication multicanale sur le monocanal. Des textes et des photos complémentaires génèrent des représentations mentales que l’esprit fusionne aisément, pour dégager une perception de la réalité plus riche que celle issue d’un texte seul ou d’une photo seule.
Mais cette théorie est statique : elle considère textes et photos comme autant d’indices à traiter, mais ne prend pas en compte leur présentation et l’ordre dans lequel l’œil les découvre.
L’article apporte cette dimension dynamique. Ainsi, le fait de proposer le texte en premier éclaire et facilite le processus cognitif de traitement des « indices » qui suivront, d’où une meilleure compréhension. À l’inverse, l’alternance texte/photos impose au lecteur une succession de changements de canal de communication, coûteuse en énergie et défavorable à la compréhension ; ce qui expliquerait pourquoi les avis structurés de cette façon sont jugés moins utiles.
Même si les photos accrochent davantage l’attention que les textes, sont plus simples à cerner de manière globale et génèrent des sentiments plus forts, elles peuvent avoir des effets contre-productifs. C’est sans doute ce que voulait dire Confucius il y a 2 500 ans, quand il affirmait qu’« une image vaut 1000 mots » : il faut en user avec sagesse et modération.
Jing Li, Xin Xu et Eric W.T. Ngai, Presentational Effects of Photos and Text in electronic Word-of-Mouth on Consumer Decisions, Internet Research, avril 2023. Do i: 10.1108/INTR-03-2021-014