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Le Monde de NEOMA

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Le populisme génère une incertitude politique qui affecte la prise de décision des entreprises. Une étude réalisée par Alfonso Carballo Perez et Margherita Corina, chercheurs à NEOMA, montre que l’impact du populisme sur les investissements directs à l’étranger varie en fonction de la solidité des institutions du pays populiste et du degré d’internationalisation des entreprises elles-mêmes.

Du Venezuela à la Hongrie, en passant par la « nouvelle Turquie », le monde entier observe une montée en puissance du populisme dans les pays démocratiques. Défenseurs autoproclamés de la volonté du peuple, les dirigeants populistes adoptent en général un discours opposé à celui de la mondialisation et de l’élite pour manipuler l’opinion publique. En ce sens, ils cherchent souvent à perturber les institutions politiques et économiques de leur pays qui garantissent la sécurité des investissements d’entreprises étrangères. Leur place au pouvoir engendre ainsi une forte incertitude politique qui affecte la prise de décision des acteurs économiques d’autres nations sur leur territoire.

Les deux économistes de NEOMA se sont demandés comment le populisme affecte réellement les investissements des multinationales et quels sont les leviers qui pourraient guider les stratégies des entreprises dans ces contextes politiques incertains.

Des incertitudes pour les investissements

Les investissements directs à l’étranger constituent un des moteurs de la mondialisation économique. Ils favorisent la circulation de capitaux, de technologies et de compétences entre les pays. Les industriels y ont recours par exemple pour accéder à de nouveaux marchés, trouver de la main d’œuvre moins onéreuse ou mettre en place des chaînes d’approvisionnement plus efficaces. Les entreprises peuvent alors créer de nouvelles filiales, mais aussi fusionner avec des sociétés locales.

Toutefois, l’arrivée d’un dirigeant populiste à la tête d’une nation est susceptible de créer un environnement commercial complexe, instable et imprévisible. Cela modifie en quelques sortes les règles du jeu établies par les gouvernements précédents. L’incertitude générée renvoie alors à la difficulté, pour les acteurs économiques, de prévoir leurs actions ou de recueillir des informations clés sur le processus législatif. Dans leur étude, les chercheurs de NEOMA notent que les investissements des entreprises étrangères peuvent atteindre une baisse supérieure à 10 % après l’élection d’un gouvernement populiste. Les industriels étrangers préfèrent en effet attendre et observer l’évolution de la situation plutôt que de prendre le risque de se lancer dans une action irréversible. Mais sont-ils pour autant totalement démunis ?

Des effets négatifs modérés par les institutions et les entreprises

Les chercheurs de NEOMA ont analysé les données des investissements d’un panel de multinationales américaines dans 37 pays démocratiques entre 1999 et 2020. Ils remarquent que l’impact du populisme sur les investissements directs à l’étranger est modéré par les institutions nationales en place. Un cadre institutionnel solide peut atténuer de 23,2% l’effet négatif des gouvernements populistes sur les décisions d’investissement des entreprises. Ces règles préétablies agissent comme une barrière de protection contre les pressions exercées par les dirigeants populistes. Néanmoins, dans le cas contraire où elles protègent mal les investissements étrangers, les effets négatifs du populisme sur les sociétés restent entiers.

L’étude montre par ailleurs que les entreprises fortement internationalisées sont mieux préparées pour faire face aux défis posés par les chefs d’État populistes. De fait, les chercheurs notent que l’augmentation du niveau d’internationalisation peut atténuer de 7,8% l’effet négatif sur les décisions d’investissement. Pourquoi ? Parce que grâce à leur présence à l’étranger, les sociétés ont acquis un atout de taille : celui de savoir naviguer à travers une multitude de marchés et autant de spécificités. Elles sont ainsi plus résilientes et s’adaptent plus facilement à des changements politiques et économiques. Si bien que si les dirigeants populistes ciblent les multinationales en tant qu’agents de la mondialisation, celles-ci peuvent mieux absorber les risques en diversifiant leurs placements économiques dans d’autres pays.

Une influence populiste à creuser

Les chercheurs soulignent le besoin d’étudier davantage la manière dont les multinationales peuvent répondre de façon proactive à la pression exercée par les gouvernements populistes. Les sociétés peuvent notamment adopter des réponses stratégiques non marchandes ou encore s’appuyer sur leur capacité à influencer des changements institutionnels par le lobbying. Par ailleurs, les résultats de l’étude, obtenus uniquement sur des pays démocratiques, excluent un acteur majeur de l’économie mondiale : la Chine, nation populiste mais non démocratique. Cette dernière mériterait un intérêt particulier sachant qu’en 2021, elle était classée deuxième bénéficiaire mondial des investissements directs à l’étranger après les États-Unis.

En savoir plus

Carballo Perez, A., & Corina, M. (2023). Foreign direct investment in the context of rising populism: The role of institutions and firm-level internationalization. Global Strategy Journal,1–32. https://doi.org/10.1002/gsj.1488