Ouvrir le menu

Le Monde de NEOMA

Thématiques :

Varié et complexe, le secteur mondial des services aux entreprises est en évolution et en progression constante. Comment rester compétitif dans cet environnement en rapide mutation ? Il faut innover ! Christopher Williams (NEOMA) et Sander van Triest (Amsterdam Business School) ont analysé les moteurs majeurs de l’innovation dans les sociétés de services aux entreprises.

Ce secteur pèse plusieurs centaines de milliards de dollars par an et il ne cesse de croître – quelle que soit la conjoncture économique. Les sociétés de services aux entreprises ont souvent besoin d’innover afin de profiter de cette croissance. Pour cela, elles doivent développer de nouveaux types d’offres et trouver des manières novatrices de travailler avec les clients. Dans notre recherche, nous nous sommes attachés à comprendre leur capacité d’innovation, un sujet qui jusqu’à présent n’a pas été suffisamment étudié par les universitaires.

Les sociétés de services aux entreprises abordant la concurrence par le biais de leurs domaines d’intervention, notre approche a consisté à considérer ces domaines comme les moteurs clés de la capacité d’innover des entreprises. Ce sont les domaines d’intervention qui doivent évoluer afin que les entreprises continuent de satisfaire les besoins de leurs clients. En d’autres termes, les sociétés doivent réfléchir à la manière de les rendre plus innovants afin que l’entreprise dans son ensemble puisse être concurrentielle à long terme. Les conclusions de notre recherche apportent des pistes de réflexion.

Qu’est-ce qui détermine la capacité d’innovation dans les domaines d’intervention des sociétés de services aux entreprises ?

Notre principal objectif était de répondre à cette question en comparant à la fois les moteurs internes et externes de la capacité d’innovation dans les domaines d’intervention.

Les moteurs internes incluent :

  • le capital humain (les niveaux de compétence et de formation du personnel professionnel),
  • le degré d’autonomie dont dispose le service,
  • et le degré de partage des connaissances en interne.

Les moteurs externes incluent :

  • le degré de dépendance liant le domaine d’intervention aux suggestions du client,
  • le degré « d’ancrage » physique des professionnels et des clients,
  • et le niveau de flexibilité de la relation service-client alors que les besoins évoluent.

Les moteurs externes sont très dépendants de l’interaction et des relations avec le client. Nous avons découvert que la littérature apporte une réponse mitigée à notre question sur ces points de vue internes et externes – il n’existe pas de consensus clair.

Nous avons également souhaité répondre à cette question avec un échantillon important de domaines d’intervention afin d’utiliser des tests statistiques sur les données (plutôt que, par exemple, une étude de cas). Après de nombreux efforts pour collecter les données sur un certain nombre d’années et de lieux, nous sommes parvenus à un échantillon utilisable de 218 prestations au sein d’une variété de sociétés de services.

Les conclusions montrent un soutien fort pour les moteurs internes et peu de soutien (voire des données contradictoires) pour les moteurs externes. Employer un personnel formé et qualifié, disposer d’autonomie et partager des connaissances en interne sont tous des facteurs qui suscitent la capacité d’innover dans les domaines d’intervention des sociétés de services aux entreprises. En revanche, en ce qui concerne les moteurs externes, être dépendant des suggestions du client et physiquement présent dans les bâtiments du client entraîne réellement des conséquences négatives sur la capacité d’innover du service. La flexibilité dans la relation service-client n’a pas d’effet sur la capacité d’innover.

Comment composer l’organisation autour du domaine d’intervention d’une société de services aux entreprises afin d’améliorer sa capacité d’innover ?

Les sociétés de services aux entreprises peuvent être concurrentielles à long terme en rendant leurs domaines d’intervention plus innovants. Du point de vue de l’organisation, il faudrait :

  • Privilégier le capital humain interne dans les domaines d’intervention,
  • Accorder à l’équipe le droit de prendre des décisions (c.-à-d. accorder de l’autonomie),
  • Encourager le partage de connaissances au sein du domaine d’intervention, même quand les professionnels travaillent sur différents projets des clients.

Parallèlement, les sociétés de services aux entreprises doivent se montrer attentives au fait qu’un ancrage excessif auprès des clients peut réellement affecter la capacité d’innovation du domaine d’intervention. Les managers du service peuvent essayer de repérer les signes avant-coureurs d’un ancrage excessif ; le client peut générer des revenus satisfaisants à court terme, tout en affectant la compétitivité à long terme du service.

Nous avons également obtenu des résultats d’étude supplémentaires en analysant les données selon les différentes caractéristiques des domaines d’intervention. Ces conclusions montrent également un soutien constant aux déterminants internes de la capacité d’innovation. En d’autres termes, les effets positifs du capital humain, de l’autonomie et du partage de connaissances s’appliquent dans tous les cas, indépendamment du fait que le domaine d’intervention soit axé sur la comptabilité ou le conseil en management, qu’il ait un grand nombre de clients ou une petite base de clientèle, ou encore que le service lui-même soit grand ou petit.

Toutefois, en matière de moteurs externes, les résultats montrent certaines complexités et nuances. Les dynamiques d’interaction avec les clients jouent un rôle important sur la capacité d’innovation, mais uniquement dans certaines situations. C’est notamment le cas lorsque le service entretient une flexibilité relationnelle avec ses clients et possède une importante clientèle, ou encore lorsqu’il s’agit d’un cabinet de comptabilité (contrairement à un cabinet de conseil en management).

En résumé, le secteur du service aux entreprises étant ultra-concurrentiel – tout en étant large, varié et mondial – il est vital pour les sociétés de ce secteur de déterminer dans quelle mesure elles sont capables d’innover pour être compétitives. Notre recherche montre que cette analyse ne sera pas forcément réalisée au niveau de l’entreprise, mais au niveau du domaine d’intervention. Les services – même au sein de la même société – diffèrent dans leur capacité d’innovation. Les conclusions révèlent que l’on peut gérer les services pour les rendre plus innovants et que la meilleure solution pour y arriver est de s’appuyer sur les moteurs internes. Parallèlement, il faut se montrer prudent quant à la manière dont une relation client externe peut affaiblir la capacité d’innovation d’un domaine d’intervention, et en fin de compte de la société de service.

Christopher Williams (NEOMA Business School) et Sander van Triest (Amsterdam Business School)

Pour en savoir plus : lisez également l’article de recherche : Williams, C. and Van Triest, S. (2021) ‘Innovativeness in the professional services industry: a practice level analysis’, European Management Review, DOI: 10.1111/emre.12450