« En géopolitique, la raison doit guider les décisions »
Publié le 13/05/2024
« En géopolitique, la raison doit guider les décisions »
Publié le 13/05/2024
Écarter les émotions des prises de décision
En 1783, quand Catherine II annexait la Crimée, c’était une affaire locale, et ça n’intéressait personne. En 2014, Vladimir Poutine a fait la même chose, l’impact a été tout à fait différent. Aujourd’hui, tout ce qui se passe à l’extérieur de nos frontières a un impact sur nous. C’est bien sûr l’effet de la globalisation. La géopolitique est partout. Elle doit faire partie de la formation des citoyens, mais également des dirigeants, des responsables d’ONG, d’association… Leurs analyses doivent être guidées par la raison, et non par l’émotion. Sinon cela conduit à prendre de mauvaises décisions.
La realpolitik a souvent été critiquée, mais comme disait Hubert Védrine (ancien ministre des Affaires étrangères), si on ne parle pas des réalités, les réalités se rappellent à nous. Si on veut changer le monde, il faut partir du monde tel qu’il est.
C’est un empilement d’hubris qui nous a conduits à la catastrophe
L’hubris – sentiment d’orgueil qui pousse à la démesure – nous a conduits à mal analyser les situations. Après la Guerre froide, l’Occident a pensé que le monde allait s’occidentaliser. On a confondu occidentalisation et globalisation. Des résistances se sont développées, elles nous reviennent en pleine figure. En Ukraine, Poutine a pensé qu’il serait accueilli à bras ouverts et que l’OTAN ne réagirait pas. Il s’est heurté à la résistance ukrainienne et à la solidarité occidentale L’Ukraine a refusé de mettre en œuvre les accords de Minsk – tout comme la Russie -, signés en 2015, puis a fixé des buts de guerre peu réalistes (reconquérir tous les territoires perdus depuis 2022, ainsi que ceux annexés en 2014, que Poutine soit jugé devant la Cour pénale internationale et que la Russie paye les dommages de guerre). Cet empilement d’hubris a abouti à une catastrophe qui pèse sur nous tous, sur les questions énergétiques, les questions alimentaires, etc., l’erreur est de réfléchir à court terme.
L’Occident ne peut plus imposer sa volonté au reste du monde
Le monde est marqué par trois coupures majeures. L’Occident et la Russie s’opposent : nous sommes revenus à un niveau de communication égal à celui des années 50. La Chine et les États-Unis sont le grand duel à venir. Le rattrapage de la Chine est insupportable pour les États-Unis qui pensent détenir les valeurs universelles. La dernière coupure se situe entre le monde occidental et le Sud global. L’Occident n’est plus le centre du monde, on ne peut pas imposer notre volonté. La Chine est désormais le premier partenaire de beaucoup de pays. C’est en partant de ces réalités que l’on change les choses.
L’intégralité du débat sur « la souveraineté alimentaire dans un monde global » en vidéo :
Avec ce sujet de recherche majeur, Martin C. SCHLEPER, professeur de gestion de la chaîne d’approvisionnement et de développement durable à NEOMA, et ses coauteurs ont abordé un sujet d’actualité. Preuve en est : leur article a été téléchargé 10 000 fois depuis sa parution en décembre et continue au rythme de 80 à 100 par jour jusqu’à aujourd’hui ! Geopolitical disruptions in global supply chains: a state-of-the-art literature review est actuellement l’article de la revue Production Planning & Control le plus téléchargé ces douze derniers mois.
« Malheureusement, les tensions géopolitiques telles que le COVID-19, le Brexit, la guerre en Ukraine ou la crise au Moyen-Orient sont aujourd’hui omniprésentes. Outre leur impact social dévastateur, ces événements font naître des perturbations au sein des réseaux d’approvisionnement mondiaux.
Notre article est inédit, car il définit l’état actuel de la recherche et de la réflexion au sujet de l’influence des perturbations géopolitiques sur les chaînes d’approvisionnement.
Notre étude s’appuie sur une revue de littérature, non exhaustive mais très qualitative, des publications de ces 26 dernières années (1995–2022) qui ont trait à la gestion des activités et de la production, à la gestion de la chaîne d’approvisionnement, à la logistique, au transport et à la politique publique.
Cet article définit les perturbations géopolitiques et leur impact sur les chaînes d’approvisionnement comme un nouveau sous-domaine de recherche, avec pour thématiques : la conception de la chaîne d’approvisionnement, les tensions entre les États-nations et la technologie.
Il pose ainsi les bases pour de futurs sujets de recherche qui pourraient être menés, voire résolus, grâce à une collaboration étroite entre les entreprises et le monde universitaire. Par exemple sur les coûts et avantages de la régionalisation de la chaîne d’approvisionnement ou sur les applications pratiques des technologies de pointe pour pallier les effets négatifs des perturbations géopolitiques.
Cette étude peut également servir de ligne directrice pour les professionnels, car elle présente aux managers les avantages et les inconvénients de nombreuses stratégies d’atténuation, souvent en lien avec l’adoption de la technologie et les solutions de conception de la chaîne d’approvisionnement. »
En savoir plus : Geopolitical disruptions in global supply chains: a state-of-the-art literature review, L. Bednarski, S. Roscoe, C. Blome et M. C. Schleper, PRODUCTION PLANNING & CONTROL. Publié en ligne le : 1er décembre 2023 — https://doi.org/10.1080/09537287.2023.2286283
En octobre 2024, NEOMA Business School et l’IRIS, Institut de relations internationales et stratégiques, lancent le Certificat Executive « Leadership & Géopolitique ». Cette formation professionnelle d’une durée de 5 jours s’adressera à un public de managers expérimentés affichant une forte appétence pour les sujets géopolitiques. Pour en savoir plus, cliquez ici.