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Le Monde de NEOMA

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Il devient aujourd’hui de plus en plus compliqué d’estimer la réaction d’un marché face à un nouveau produit et la tentation est forte de simplifier au maximum le comportement des consommateurs. Sous l’effet des réseaux sociaux et de leur influence, les modèles de prévisions classiques sont de moins en moins opérants et les managers se doivent de développer de nouvelles approches pour anticiper la demande. Pilule rouge ou pilule bleue ?

Imaginez deux salles, l’une rouge, l’autre bleue, remplies de 10 000 personnes chacune. Dans la salle bleue, chaque personne est munie d’une pièce pour tirer à pile ou face. Dans la salle rouge une seule personne sera chargée de tirer à pile ou face et le résultat de ce tirage vaudra pour les 9999 autres personnes présentes. Par cette schématisation simpliste, la salle rouge représente l’impact des réseaux sociaux dans une démarche d’achat, ou autrement dit, sur la demande.

En effet, par leur effet de “good buzz” ou “bad buzz” et leur capacité à susciter des comportements de suivisme et d’imitation, les réseaux sociaux exercent un impact non négligeable sur les actes d’achat, en particulier chez les jeunes, ce qui rend la demande très volatile.

Balais d’essuie-glace ou rouge à lèvre ?

Les influences que peuvent percevoir un consommateur sont nombreuses et de diverses natures, mais deux tendances se détachent pour anticiper leurs réactions : selon plusieurs études, l’influence des réseaux sociaux se dessine très nettement mais la nature du produit ou service offert au consommateur joue également un rôle important dans l’impact de l’influence qui peut être exercée.

Dans ce cadre, on distingue en effet deux catégories de biens ou de services : les biens ou services “utilitaires” et ceux dits “hédonistes”, c’est à dire qui procurent du plaisir et renvoient une image valorisante de leur propriétaire. Ces derniers sont plus sujets à un examen subjectif (j’aime / je n’aime pas) et donc soumis fortement à la perception de l’individu. Les produits qualifiés d’hédonistes sont très influencés par la mode, puissamment amplifiée par les réseaux sociaux. A titre d’exemple le processus d’achat d’une montre ou d’un tube de rouge à lèvre, ne sera du tout le même qu’une éponge à faire la vaisselle ou un balai d’essuie-glace.

Giovani J. C. da Silveira, co-auteur, propose une illustration édifiante tirée du journal Washington Post, daté du 7 mars 2019. Un hipster
[efn_note]Hipster désigne une personne ou une sous-culture définie par le stéréotype de jeunes adultes résidant principalement dans des quartiers gentrifiés-Wikipedia.[/efn_note] nommé Flynn, s’est reconnu sur une photo publiée dans un journal, alors qu’en réalité il ne s’agissait pas de lui. Cette situation incarne un véritable paradoxe, puisque qu’en cherchant à se distinguer du commun des mortels en adoptant un look original, cet homme a fini par se fondre intégralement dans un model “hipster” au point de ne plus pouvoir se reconnaitre avec certitude. Un comportement étrange très fortement influencé par les réseaux sociaux, “les magazines fashion, les influenceurs instagram et les Vloggers de mode” atteste Flynn de son propre aveu.

Matrix en renfort de la prévision de la demande

En élaborant des réseaux d’influence théoriques, les auteurs ont pu simuler les comportements d’achat de deux types de consommateurs : ceux qui fondent leurs achats sur leur propre avis (préférence intrinsèque) et ceux qui intègrent une influence extérieure à leur décision d’achat.

Dans le premier cas, où les acheteurs sont considérés comme indépendants les uns des autres, plus le marché est vaste, plus l’incertitude de la demande diminue et donc plus les ventes deviennent certaines et facilement anticipables.
Dans le second cas, où les décisions d’achat des consommateurs peuvent évoluer sous l’influence d’autres personnes, l’incertitude de la demande demeure, et ce quelle que soit la taille du marché.

A ce stade, la célèbre trilogie de science-fiction Matrix, peut apporter un éclairage intéressant sur la manière dont il est possible d’effectuer des prévisions sur la demande.
Dans Matrix, les humains vivent sous l’emprise d’un monde merveilleux et irréel dans lequel ils sont immergés par l’absorption d’une pilule bleue. Mais il leur est également possible de se confronter à la dure réalité en avalant une pilule rouge. Ce choix est finalement très proche de celui que doivent arbitrer les managers en fondant leurs prédictions de la demande sur deux bases possibles de calcul : une moyenne ou une probabilité.

Les managers peuvent, comme dans le monde de la pilule bleue, estimer que les consommateurs exerceront une préférence intrinsèque, qui permettra d’établir une prédiction linéaire et donc une estimation “moyenne” du marché. Ou au contraire, avaler la pilule rouge et essayer de prendre en compte l’influence possible qu’il existe dans les comportements d’achats des consommateurs, tenter d’estimer une demande “probable” et se confronter possiblement à des cas extrêmes d’évolution de la demande.
Or, c’est précisément en tenant compte de ces influences que les managers parviendront à améliorer leur connaissance des clients ainsi que les préférences de ces derniers. Sur le plan de la prise de décision, ils gagneront en précision et feront de meilleurs choix en matière d’opérations : de production, de stockage, de logistique, d’approvisionnement…

Bienvenue dans le monde chaotique de la pilule rouge : 4 conseils pratiques aux managers.

Passer d’un monde simpliste sous emprise de la pilule bleue à la complexité d’un monde vu sous le prisme de la pilule rouge est loin d’être une transition facile. Ce passage peut facilement s’avérer conflictuel au sein des organisations et devenir source d’une grande appréhension.

Conseil 1. Le premier conseil est d’effectuer cette transition pas à pas, en tenant compte de l’évolution de la demande et de contrebalancer progressivement l’importance donné à l’un ou l’autre des modes de calcul d’anticipation de la demande.

Conseil 2. Portez la plus grande attention aux pratiques de vos clients sur les réseaux sociaux. En fonction de l’importance de leur “connexion”, leurs préférences d’achat peuvent être plus ou moins influencées et la demande varier plus ou moins fortement.

Conseil 3. Déterminez le plus finement possible la nature produit (hédoniste ou utilitaire) afin de prévoir l’influence de facteurs externes à la décision d’achat des consommateurs. Les produits liés à la mode ou au loisir peuvent être puissamment soumis à l’avis d’influenceurs sur les réseaux sociaux.

Conseil 4. Enfin, partagez un maximum d’information avec vos consommateurs. En effet, les acheteurs qui disposent facilement d’un accès aux informations officielles (description, fiche technique, SPECS,…) ont tendance à se fier davantage à leur propre jugement et de ce fait, à se montrer plus imperméables aux opinions extérieures. Ce qui facilite du coup, la prévision de la demande.

 

Références :

Cet article se fonde sur deux publications.

  • International Journal of Production Economics, “Estimating demand variability and capacity costs due to social networkinfluence: The hidden cost of connection” by : Mozart B.C. Menezes, Giovani J.C. da Silveira, Renato Guimarães.
  • Industrial Management, Sep/Oct 2020, Vol. 62 Issue 5, p17-21, “Deciphering social network influence on consumers” by : Mozart B.C. Menezes and Giovani J.C. da Silveira