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Le Monde de NEOMA

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Deux professeurs, Arash Aloosh (NEOMA) et Jiasun Li (George Mason University), ont réussi à percer le mystère d’une pratique illégale, mais répandue, sur les plateformes de bitcoins : le wash trading. Histoire d’une découverte.

Les opérations de wash trading, sur les plateformes de bitcoins, représenteraient plus de 33% des opérations ! Tel est le résultat du travail de recherche de deux professeurs, Arash Aloosh (NEOMA) et Jiasun Li (George Mason University). Le wash trading ? La pratique est illégale sur les places financières réglementées, mais elle se déploie sans entrave sur les bourses décentralisées et dérégulées des bitcoins. Le principe : une même personne vend et achète ses propres bitcoins. Cette petite manipulation augmente de manière artificielle le volume des échanges, et donne l’impression d’une activité florissante. Les investisseurs, induits en erreurs, pensent alors avoir à faire à un marché assez fluide pour faire de bonnes affaires.

Les hackers dévoilent sur Internet le livre comptable des opérations. Une base de données et une source d’informations formidable

Depuis plusieurs années, le doute planait sur l’ampleur du phénomène. Personne n’avait jamais pu avoir la preuve d’opérations de wash trading sur les marchés des bitcoins. Les deux professeurs sont parvenus à les quantifier. Comment ? En plongeant dans les registres de transactions de l’une des plus grandes plateformes de bitcoins MtGox. « D’habitude, nous n’avions pas accès à ces informations », note Arash Aloosh. Sauf qu’en 2014, le site est piraté. Les hackers dévoilent sur Internet le livre comptable des opérations. Une base de données et une source d’informations formidable pour les deux experts. Très vite, ils notent d’étranges transactions. Les premières remontent à 2011. A cette date, un seul et même trader identifié par l’ID 674 vend et achète ses bitcoins. Et qui se cache derrière le numéro 674 ? Le propriétaire de la plateforme lui-même Mark Karpelès.

Rappelons qu’en 2011, ce même Mark Karpelès avait racheté la jeune plateforme MtGox qui dans la foulée avait subi de nombreuses cyberattaques. « Les pirates avaient mis à terre la plateforme, les transactions avaient été stoppées, puis il avait fallu relancer la machine », explique Arash Aloosh. C’est à la réouverture que le propriétaire effectue ses premières opérations de wash trading. Pourquoi ? Pour relancer la machine, pour revenir dans la course, pour regagner des parts de marché. Important quand on sait qu’il existe plus de 200 plateformes d’échange, et qu’elles se livrent une concurrence féroce. Pour les utilisateurs, le volume des transactions est un indicateur clé dans leur choix de place pour investir.

Les premiers wash trades sévissent de longues années dans l’ombre

Et voilà comment le premier wash trade nait en 2011, bien avant d’être l’objet de discussion entre praticiens et « cryptotraders ». Une pratique qui a fait des petits : après ce premier coup d’essai, les deux chercheurs ont relevé dans un échantillon près de 2887 wash trades entre juin 2011 et mai 2013.

Apprenez toutefois qu’en mars 2019, Mark Karpelès, considéré à l’époque comme le surdoué français de l’Internet, a été condamné à une peine de deux ans et demi de prison avec sursis par le tribunal de Tokyo pour toutes ses malversations (des manipulations de marché autres que du washtrading puisqu’il n’avait pas été identifié à cette époque). La fermeture de la plateforme en 2014 avait fait disparaitre près de 400 millions de dollars.

Le wash trading est possible sur ces plateformes dérégulées parce qu’il n’existe pas de système de contrôle. Pas de « 3e partie », pas de gouvernement, pas de banque centrale, pas de supervisors. Les transactions se font entre les utilisateurs (peer to peer). Elles sont réglées sans intermédiaire. Avantage : c’est moins cher, plus rapide que sur les systèmes conventionnels.

Aloosh, Arash and Li, Jiasun, Direct Evidence of Bitcoin Wash Trading (Posted: 3 Jun 2019 Last revised: 27 Dec 2022). Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=3362153 or http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.3362153