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Le Monde de NEOMA

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Antoine Souchaud, professeur du département Comptabilité, Contrôle et Affaires Juridiques à NEOMA, publie « Intelligence collective et organisation co-dépendante : le rôle de l’expert-comptable dans le crowdlending » dans la revue Comptabilité - Contrôle – Audit (2019/3, Volume 25).

Cet article, coécrit avec Héloïse Berkowitz (CNRS TSM Research, Université Toulouse Capitole), explore sous quelles conditions, notamment organisationnelles, l'intelligence collective peut être activée et utilisée comme ressource fiable sur les plateformes de crowdlending, c'est-à-dire de prêt rémunéré entre pairs.

L'intelligence collective appliquée au crédit implique qu'un groupe serait plus à même de prendre des décisions d'investissement intelligentes que des individus isolés. Si cette hypothèse forte reste largement débattue, de manière plus générale, l'économie de plateformes repose sur l'idée simple selon laquelle la foule est une source pertinente d'évaluations (sur les restaurants, les hôtels, les conducteurs).

Dans le crowdlending, la question de la place de cette foule se pose de manière encore plus aigüe car par nature, il existe un expert, l'expert-comptable de l'emprunteur, qui est le premier détenteur d'informations sur la solvabilité de son client. Or le crowdlending implique de nouvelles formes d'intermédiation directe entre foule, « crowd », et porteurs de projets. Certains travaux théoriques ont conceptualisé ce modèle à travers le principe de co-dépendence entre plateforme de crowdfunding, foule et porteurs de projet. Ce modèle a trouvé une expression concrète chez des plateformes qui ont fait le pari de l'intelligence collective. Les deux co-auteurs se sont concentrés sur l'une d'elles.

La plateforme étudiée, nommée « PeerUnion », a développé un modèle d'intelligence collective s'appuyant également sur la figure de l'expert-comptable. Dans ce but, elle a lancé un partenariat avec l'Ordre des Experts Comptables. Mais ce partenariat a été abandonné au bout d'un an et demi. Antoine Souchaud et Héloïse Berkowitz ont cherché à comprendre les causes de cet échec et à proposer un modèle d'ingénierie de l'intelligence collective en s'inspirant du cas et de la littérature sur la co-dépendance et la théorie des organisations. Pour ce faire, ils ont mené une étude sur plus de trois ans, collectant un riche matériau combinant des entretiens avec les différents types d'acteurs, ainsi que les échanges entre foules et porteurs de projets sur les forums de la plateforme, c'est-à-dire là où s'exprime directement l'intelligence collective.

Les deux co-auteurs ont montré que si la logique de partenariat a échoué entre la plateforme et l'ordre des experts-comptables, c'est parce que la plateforme a introduit un nouvel acteur à part entière dans son business model, l'expert-comptable, sans pour autant respecter le principe de co-dépendance entre parties prenantes.

Dans le modèle revisité proposé par les deux chercheurs, l'intelligence collective appliquée au crowdlending possède une variété de fonctions en amont mais également en aval des collectes de fonds, à la condition de cette co-dépendance entre plateforme, foule, porteurs de projet et experts-comptables. Cette co-dépendance se traduit par un pouvoir de décision partagé par les différents acteurs et des mécanismes formalisés d'exclusion du processus de crowdlending. En amont et grâce à l'expert-comptable, l'intelligence de la foule sert à évaluer un projet, comprendre son business model, anticiper un risque de défaut et ainsi prendre des décisions d'investissement (en stoppant ou en autorisant une collecte). En aval, l'intelligence collective permet de mutualiser la prise de risque mais également de constituer un réseau d'adjuvants.

>Lire l’article « Intelligence collective et organisation co-dépendante : le rôle de l’expert-comptable dans le crowdlending »