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Le Monde de NEOMA

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Le télétravail fait désormais partie des modes de fonctionnement des entreprises, ce qui favorise le développement des pratiques de management à distance. Or, celles-ci peuvent avoir des effets délétères pour les salariés concernés, depuis les doutes sur la confiance que leur accorde leur manager jusqu’au risque d’épuisement physique et intellectuel. Où placer le curseur pour superviser sans déstabiliser ? C’est le sujet d’un article co-signé par quatre auteurs, dont Birgit Schyns de NEOMA.

Quel est le niveau d’avancement des tâches que j’ai confiées à mes collaborateurs ? Vont-ils atteindre les objectifs que je leur ai fixés ? Subsiste-t-il des écarts, des retards ou des anomalies ? Pour un manager, suivre régulièrement ces trois sujets fait partie des missions de base.

En revanche, il n’évalue pas forcément l’impact de ce pilotage sur le bien-être des membres de son équipe en télétravail. Or, les conséquences peuvent être négatives si les demandes d’information du manager sont quotidiennes, voire très négatives si, en prime, ce dernier agit de manière imprévisible.

Quand surveillance rime avec perte d’autonomie

L’article signé par quatre chercheurs, dont Birgit Schyns, de NEOMA Business School, s’intéresse précisément à ces impacts psychologiques. Il s’appuie sur deux études, menées au total auprès de 450 salariés britanniques. La première a eu lieu en mai 2020, au début des confinements imposés par la pandémie ; la seconde, en février 2022, alors que le télétravail était devenu un mode d’organisation largement répandu dans les entreprises.

Principal enseignement : le monitoring quotidien donne aux collaborateurs en télétravail le sentiment que leur manager leur fait moins confiance. Ils ont l’impression de perdre en autonomie, de disposer de moins de contrôle sur leur travail. Ils vont être amenés à s’interroger sur les raisons de ces demandes si fréquentes, ce qui peut les conduire à douter d’eux-mêmes et à s’auto-dévaloriser. En fin de journée, certains se sentent épuisés physiquement et intellectuellement.

« Quelqu’un regarde par-dessus leur épaule »

D’après les résultats de la première étude, réalisée en pleine crise du Covid-19, ce phénomène s’aggrave encore quand le manager se montre imprévisible : l’horaire de ses demandes change d’un jour à l’autre, il réclame selon les cas des détails ou des reportings approfondis, ses requêtes sont ambiguës, inattendues, voire déroutantes…

Là encore, les collaborateurs cherchent un sens à ces comportements ; et faute d’en trouver, ils ressentent un sentiment d’injustice, ou une peur due à ce climat permanent d’incertitude. Certains ont même l’impression diffuse que « quelqu’un regarde par-dessus leur épaule » pour surveiller leur activité en continu.

En revanche, la seconde étude n’a pas constaté cette aggravation. Sans doute parce qu’en 2022, les salariés interrogés étaient davantage habitués au télétravail et bénéficiaient de repères plus stables.

Une souffrance silencieuse mais bien réelle

Cet article apporte un éclairage inédit sur la dynamique entre pilotage à distance et confiance ressentie par les salariés. Les travaux antérieurs tournaient en effet autour de l’interrogation suivante : « Les collaborateurs en télétravail font-ils confiance à leur manager ? ».

C’est la première fois que des chercheurs examinent la question inverse : « Ces collaborateurs ont-ils l’impression que leur manager leur fait toujours confiance ? » Or, la souffrance silencieuse contraste avec l’image positive du télétravail, considéré par les entreprises comme un outil de productivité et par les salariés comme une composante de leur qualité de vie.

Un pilotage imprévisible est assimilé à du « flicage »

Quels enseignements concrets les managers peuvent-ils tirer de cet article ?

D’abord, ils doivent réaliser que le pilotage de leurs collaborateurs en télétravail n’est jamais anodin, même s’il est évidemment nécessaire. En conséquence, la fréquence et les horaires de leurs sollicitations doivent être définis avec soin – une fois par jour, c’est trop –, annoncés aux intéressés et respectés. L’idéal étant bien sûr de les fixer d’un commun accord.

De même, les managers doivent veiller à être prévisibles dans leurs demandes, pour ne pas créer un climat d’incertitude facilement assimilé à du « flicage ». Quand un manque de constance est nécessaire du fait des circonstances, l’idéal est de prévenir les collaborateurs des raisons du changement et du détail de ces modalités.

Cette règle est encore plus impérative si l’entreprise traverse une période difficile. Comme le révèle l’étude de 2020, plus le contexte environnant est mouvant, plus le manager doit faire preuve de régularité et de fidélité aux règles établies dans ses actions de pilotage.

Un enjeu que les dirigeants doivent s’approprier

Dernière piste pour les managers : montrer explicitement à leurs salariés qu’ils leur font confiance, en saisissant toutes les opportunités de leur déléguer des tâches ou des responsabilités.

L’impact du pilotage à distance est tel que les auteurs de l’article conseillent aux dirigeants de s’emparer eux aussi du sujet. Un rôle visant notamment à proposer à leurs managers des grandes lignes de conduite et à définir des référentiels de comportements managériaux.

Pour aller plus loin, ils peuvent les former au développement de la confiance, et à l’importance des feedbacks aux collaborateurs à propos de la qualité de leur travail. Enfin, les échanges de bonnes pratiques entre managers peuvent également contribuer à favoriser des relations de confiance au sein des équipes.

Pour aller plus loin

Xiaotong (Janey) Zheng, Karolina W. Nieberle, Susanne Braun and Birgit Schyns, Is Someone Looking Over My Shoulder? An Investigation into Supervisor Monitoring Variability, Subordinates’ Daily Felt Trust, and Well-being, Journal of Organizational Behavior, février 2023. DOI : 10.1002/job.2699

Un podcast réalisé par Thriving at Work est également disponible! (en anglais) Episode 30 June: Stop Micro-Managing Remote Employees – Thriving at Work (workrbeeing.com)