Ouvrir le menu

Le Monde de NEOMA

Thématiques :

Depuis plus d’un demi-siècle, la fiction partage des histoires dans lesquelles les humains interagissent avec diverses formes d’intelligence artificielle. Mais la science d’aujourd’hui est-elle capable de faire de telles prouesses une réalité ? Pour y répondre, une étude impliquant Agata Mirowska, chercheuse à NEOMA, a scruté l’évolution des recherches menées sur les assistants – ou agents – virtuels au cours des trente dernières années.

« Rappelez-vous bien qu’il ne s’agit que d’une œuvre de fiction. La vérité, comme d’habitude, sera encore bien plus étrange », déclarait Arthur C. Clarke en avant-propos de son livre 2001 : l’Odyssée de l’espace. En 1968, ce roman et le film éponyme de Stanley Kubrick ont fait découvrir au grand public l’ordinateur HAL 9000 (CARL 500, cerveau analytique de recherche et de liaison, dans sa version française). Ce membre virtuel de l’équipage du vaisseau Discovery One était doté d’une intelligence artificielle (IA) lui permettant de participer avec aisance à une conversation. En 2002, le film S1m0ne racontait quant à lui l’histoire d’un réalisateur contraint de remplacer la star de son long métrage par une actrice virtuelle. La réalité s’avère finalement plus proche de ce deuxième exemple, puisqu’en 2023, les studios de cinéma américains ambitionnent de remplacer des acteurs par des images générées par intelligence artificielle. La technologie aurait-elle alors rattrapé la fiction ? La chercheuse de NEOMA et ses coauteurs ont analysé l’évolution de la recherche scientifique engagée sur les agents virtuels entre 1995 et 2022. Qu’ont-ils observé lors de cette rencontre du troisième type ? A quoi ressembleront les assistants virtuels de demain ?

Une recherche accélérée par l’essor de l’IA

Bien que la fiction nous prépare depuis plus de 50 ans à l’idée d’interagir avec des agents virtuels, les chercheurs ont observé l’absence de définition consensuelle sur le sujet. Leurs travaux considèrent ainsi qu’un agent virtuel est « une entité numérique dotée de capacités cognitives artificielles capable d’interagir avec des utilisateurs humains tout en accomplissant des tâches pour eux avec un certain degré d’autonomie ». Des êtres semi-autonomes se sont déjà peu à peu installés dans nos vies, en témoignent les différents chatbots, influenceurs virtuels et assistants à domicile qui accompagnent notre quotidien. En pratique, ils servent aussi bien à la surveillance qu’à la prise de décisions rapides.

Les chercheurs notent que cet essor est directement lié aux progrès de l’IA et des technologies d’appareils intelligents sur lesquelles les recherches ont explosé à compter de 2014. Au fil du temps, les agents virtuels ont cependant dépassé le cadre des recherches en informatique et ingénierie, qui ciblaient des problématiques de conception. Ils sont désormais davantage étudiés en interconnexion avec leurs domaines d’application et leur intégration dans la société. La santé – notamment au travers des neurosciences et de la psychologie – mais aussi l’éducation, sont les domaines les plus en vogue sur le sujet dans la littérature scientifique actuelle. Les études menées autour de la normalisation des agents virtuels ont quant à elles toujours accompagné les innovations. À l’avenir, ces programmes numériques devraient davantage impacter nos modes de vie, en raison de l’augmentation de leur autonomie. Toutefois, leurs évolutions resteront tributaires des découvertes issues de la recherche en intelligence artificielle.

Quel avenir pour les agents virtuels ?

L’étude met en exergue le concept émergent de coexistence entre l’humain et l’agent virtuel. Elle insiste sur le besoin de comprendre les caractéristiques souhaitables et indésirables qui affecteront la manière dont nous vivrons et collaborerons avec ces algorithmes intelligents. Jusqu’à présent, les recherches se sont concentrées sur les aspects positifs. Cependant, la démocratisation de ces agents à travers différentes sphères sociales fait que les interactions que nous aurons avec eux seront de moins en moins choisies. C’est pourquoi les chercheurs insistent sur l’intérêt d’analyser ce qui pourrait rebuter les utilisateurs humains et leur laisser des impressions négatives. Par exemple aborder la notion d’intimité dans le cadre d’interactions avec des agents virtuels dédiés à l’aide à la personne, ou encore la promotion de valeurs sociales. Plus généralement, c’est le rôle de ces entités dans la société qu’il faudrait définir.

La crédibilité et l’acceptabilité de ces programmes posent également question. Les agents virtuels peuvent aussi bien faciliter l’adoption, que le rejet de l’intelligence artificielle par le grand public. Ainsi, les futures recherches pourraient s’intéresser davantage à l’éthique, la responsabilité des algorithmes et la confiance de l’humain envers ces êtres numériques. Cette coexistence devrait être étudiée dans une multitude de contextes d’usage et des environnements d’échange aussi bien numériques que cyber-physiques. Les chercheurs défendent l’idée que les agents virtuels évolueront progressivement vers des robots sociaux dotés d’intelligence artificielle avec une forme physique de plus en plus sophistiquée.

En savoir plus

Jbid Arsenyan, Agata Mirowska, Anke Piepenbrink. Close encounters with the virtual kind: Defining a human-virtual agent coexistence framework. Technological Forecasting and Social Change, Volume 193, 2023. https://doi.org/10.1016/j.techfore.2023.122644