Le numérique a lancé une véritable guerre de l'attention, que l'on évalue pour l'être humain aux alentours de 9 secondes par minute. Autrement dit, une journée de cours de 6h n'engendrerait que 45 minutes d'attention "efficace". En 3 questions, Alain Goudey, Directeur de la transformation digitale au sein de NEOMA BS, explique pourquoi les établissements supérieurs devraient considérer l'opportunité d'intégrer la réalité virtuelle dans leurs enseignements.
Sous l'impulsion des nouvelles technologies, l'apprentissage doit faire sa révolution et intégrer le fait suivant : les informations sont desormais disponibles partout et tout le temps sur smartphone. En effet, le numérique a lancé une vraie guerre de l'attention, que l'on évalue pour l'être humain aux alentours de 9 secondes par minute. Autrement dit, une journée de cours de 6h n'engendrerait que 45 minutes d'attention "efficace". A ce titre, la réalité virtuelle est intéressante car cette technologie permet de pratiquer une pédagogie expérientielle et propose aux étudiants de développer des compétences par l'action, en allant bien au-delà de l'information. En 3 questions, Alain Goudey, Directeur de la transformation digitale au sein de NEOMA BS, nous explique pourquoi les établissements supérieurs devraient considérer l'opportunité d'intégrer la réalité virtuelle dans leurs enseignements.
Quels sont les principaux avantages de l'occupation de la réalité virtuelle en classe ?
Alain Goudey : La réalité virtuelle permet d'immerger l'apprenant dans des situations hyper réaliste nécessitant réflexion et action afin d'explorer l'environnement proposé. A ce stade nous avons développé deux études de cas : l'une en marketing autour du merchandising d'un magasin de centre-ville (6netic), l'autre en supply chain management autour de la gestion d'un entrepôt/drive E.Leclerc. Les étudiants naviguent dans l'un ou l'autre de ces contextes de manière systémique et non linéaire (contrairement à une étude de cas papier). Par ailleurs, engagé dans une expérience sensorielle et ludique assez unique, cela supprime la routine d'apprentissage et l'engagement des étudiants dans le cours est total. Enfin, cela permet d'importer dans la salle de classe de nombreuses situations d'apprentissage et de les faire contraster les unes avec les autres. Par exemple, nous pouvons, dans un cours de marketing sur la distribution, présenter le cas concernant le magasin de centre-ville avant de montrer la distribution par drive. Ainsi, nous amenons les étudiants à explorer les similitudes et les différences entre ces deux modes de distribution. Enfin, par ces études de cas en réalité virtuelle, nous développons des compétences très recherchées aujourd'hui comme : l'observation, l'analyse critique d'une situation, l'abstraction (comment passer de ce que j'ai observé à une généralisation, etc.) ou encore la créativité (quoi proposer pour améliorer la situation, etc.). L'enseignement qui ne vise qu'à transmettre de l'information n'a aucune chance par rapport à Internet... il est urgent d'explorer d'autres pratiques pédagogiques et d'en mesurer les impacts réels. Avec plus de 3300 étudiants ayant utilisé cette technologie, nous savons aujourd'hui que la réalité virtuelle est promise à un avenir intéressant en matière de pédagogie. Toutefois, il est utile de préciser qu'elle ne remplacera pas 100% des cours en présentiel !
Quels sont les défis liés à son utilisation et comment les surmonter ?
Alain Goudey : L'utilisation des cas en réalité virtuelle ne pose pas de difficultés particulières tant que les professeurs ont été formés en amont à cette démarche pédagogique. Aujourd'hui à NEOMA BS, 10 professeurs peuvent utiliser l'une et ou l'autre des études de cas en réalité virtuelle. Les professeurs de NEOMA BS sont aussi accompagnés par un staff technique pour le déploiement en classe, surtout au début afin de s'assurer d'une parfaite expérience d'apprentissage. Il faut toutefois prendre en compte que seulement 50% des étudiants sont familiers avec cette technologie et il y a donc un temps d'explication aussi auprès d'eux, à mener en classe en amont de la première étude de cas.
Finalement le plus gros challenge réside dans la création des études de cas en VR à proprement parler où le processus est à mi-chemin entre la création d'un film et d'un serious game. Ici, il faut alors mélanger des compétences techniques, créatives, pédagogiques et disciplinaires.
Comment avez-vous développé la technologie chez NEOMA ? D'autres institutions utilisent-elles la Réalité Virtuelle en classe ?
Alain Goudey : En 2015, suite à une veille technologique croisée, nous avons identifié le potentiel de la réalité virtuelle dans l'apprentissage. Ce faisant, j'ai imaginé un premier cas en marketing (ma discipline d'origine) pouvant mobiliser utilement cette technologie. Le projet a été présenté à la Direction de l'époque pour finalement être produit. Cela nous a amené à lancer officiellement le premier cas en juillet 2016. Nous avons mobilisé l'ensemble des ressources de l'écosystème riche de NEOMA BS en identifiant un lieu (le magasin 6netic), fondé par des diplômés de NEOMA BS, en cherchant les compétences techniques d'une société locale (Eclipse 360) par l'intermédiaire d'autres diplômés, et en s'appuyant sur les compétences pédagogiques et techniques du Learning Lab de l'école. Nous avons dû résoudre de nombreuses difficultés comme le stitching ou encore la fréquence de résonance des capteurs numériques des caméras afin de garantir une expérience immersive la meilleure possible.
Les écoles d'ingénieurs utilisent la réalité virtuelle depuis plus longtemps sur des thématiques techniques (modélisation d'objet, prise en main technique, compréhension de processus industriel, etc.). En management. Depuis, nous avons de nombreux contacts en France et à l'International qui souhaitent utiliser nos cas. La principale difficulté réside dans l'entraînement de la Faculté à adopter ces nouvelles pratiques pédagogiques.